- Jardin Partagé – Etat de l’art – Organiser son jardin partagé
- Jardin Partagé – Enquête terrain
- Jardin Partagé – Solution Technique
Les auteurs
En France, les jardins partagés ont le vent en poupe dans un contexte marqué par un regain d’intérêt pour l’écologie, la durabilité et le bien-être communautaire. Ces espaces verts, où les voisins se réunissent pour cultiver, partager des connaissances et créer des liens, offrent une réponse conviviale aux défis environnementaux et sociaux de notre époque. Alors que les zones urbaines continuent de s’étendre et que la nature devient de plus en plus inaccessible, les jardins partagés jouent un rôle crucial dans la réconciliation entre l’homme et la nature, tout en favorisant une solidarité renouvelée au sein de nos communautés.
Le monde urbain est très critiqué, par ceux qui y résident, pour sa pollution, sa gestion politique et le manque de nature. Parallèlement, l’envie de nature chez les citadins n’a jamais été aussi forte. La ré-émergence de jardins collectifs urbains témoigne de cette envie de nature [1]. Cette tendance est d’autant plus significative que plus de 80% de la population française vit actuellement dans des zones urbaines, soulignant l’importance des espaces verts en milieu urbain [2], qui sont aujourd’hui reconnus comme un élément indispensable dans la conception de villes durables. [3]
De plus, les statistiques de plusieurs réseaux d’associations de jardiniers révèlent une dynamique positive de création de nouveaux jardins partagés. D’une poignée en 2000, ils sont environ 400 en 2011 [4] et s’élèvent en 2017 à plus de 3000 sur le territoire français.[5] Ces données mettent en lumière l’ampleur de l’engagement des Français dans les jardins partagés et leur contribution à l’amélioration de la qualité de vie en milieu urbain.
Cette thématique s’inscrit donc dans deux des scénarios de l’ADEME[6], scénarios présentant de manière volontairement contrastée des options économiques, techniques et de société pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Il s’agit ici de la génération frugale et des coopérations territoriales. La frugalité contrainte est, entre autres, définie par l’utilisation du low-tech et le localisme ce qui correspond à l’utilisation de capteur peu énergivore avec des technologies de communications à bas coût et le partage des récoltes ce qui crée un circuit court. Tandis que le second scénario se définit par une économie du partage qui peut se caractériser par le partage des ressources des jardins partagés ainsi que des récoltes. De plus, la coopération entre territoires est un enjeu important, puisqu’elle pourrait permettre un financement facilité de nouvelles infrastructures tels que les jardins.
– Histoire
En 1890 à la suite de la révolution industrielle, des terres sont mises à la disposition des ouvriers en France, afin de les aider à subvenir à leurs besoins primaires [7]. Après la seconde guerre mondiale, certains “jardins ouvriers” évoluent en “jardins familiaux”, sur la demande de populations, autres qu’ouvrières, souhaitant accéder à des parcelles cultivables [8]. Au cours des années 1970, années d’expansion et de développement économique, les jardins partagés connaissent un fort déclin en France tandis qu’apparaît, à New York, les premiers community gardens urbains.
En 1973 à New York, Liz Christy, accompagnée d’un groupe de citoyens lassés des friches urbaines, a l’idée de replanter un de ces espaces laissés à l’abandon pour le transformer en jardin de quartier. Le Liz Christy Garden devient alors un lieu d’expérimentations agricoles, mais également de rencontres et de sociabilisation. Il devient le premier jardin partagé urbain. Le mouvement se répand en quelques années et le paysage new-yorkais subit une profonde mutation. Les terrains abandonnés sont remplacés par des jardins collectifs destinés à créer de nouveaux espaces de sociabilité tout en sécurisant les quartiers. Il existe aujourd’hui plus d’un millier de community garden à New York. [9]
En 1996, des associations françaises de jardiniers participent à l’Assemblée générale des jardins communautaires de Montréal et importent le concept en France. En s’inspirant des jardins newyorkais, le réseau français des jardins partagés apparaît : Le Jardin dans tous ses états. Il permet des échanges entre jardiniers, élus et techniciens de collectivités locales. Ainsi, en 1997, le premier jardin communautaire français, le Jardin des (Re)Trouvailles est fondé à Lille. [9]
– Fonctionnement et enjeux
Le jardin partagé est généralement géré par une association, dont les utilisateurs sont membres. Les associations de jardiniers sont dans la majorité des cas créées avec le jardin, afin d’y mettre en place une gestion autonome. Elles font néanmoins souvent partie de réseaux d’associations [10]. Nous avons pu observer par notre enquête terrain que les jardins n’appartenant pas à ces réseaux font face à des difficultés dues à un manque de connaissance, de motivation ou d’organisation .
Il existe deux formes de jardins partagés :
- Un espace commun géré par l’ensemble des jardiniers selon des décisions collectives.
- Un ensemble de parcelles individuelles gérées de façon autonome par l’utilisateur selon une charte de bonnes pratiques.
L’écologie et la collectivité sont une part importante de la vie et du fonctionnement des jardins. Les associations mettent ainsi en place des formations et animations autour des jardins. Ces formations ont pour objectifs de sensibiliser les utilisateurs, mettre en commun la connaissance et leur permettre de découvrir des techniques de production et d’entretien éco-responsables. Ces activités permettent donc l’interaction entre les membres et de créer du lien social [11]. Une étude, réalisée par Marion Tharrey, Nicole Darmon sur 66 jardiniers de 18 jardins, met en avant le fait que les membres réguliers des jardins partagés sont majoritairement des personnes ayant un lien à la nature plus élevé, voire sensibilisés aux thématiques écologiques.
La même étude que précédemment permet également d’établir les motivations des membres des jardins. Le contact avec la nature est un élément déterminant de l’entrée au jardin pour 79% des jardiniers et 81% cherchent à se détendre. Les fonctions de lien social (59%) et de production alimentaire (50%) sont moins souvent citées [3]. Une autre étude menée sur les participants réguliers de 43 jardins met quant à elle en lumière l’importance du lien social apporté par les jardins partagés puisque cité 38 fois par les jardins [10].
Les études menées à ce jour sont principalement qualitatives, basées sur des déclarations. Toutefois, il semblerait que les jardins partagés favorisent la consommation de fruits et légumes, l’activité physique, mais aussi le bien-être mental et le lien social.
– Cadre règlementaire
La loi du 26 juillet 1952 apporte un changement important pour la gestion de jardins partagés. Les associations gérants les jardins sont alors encadrées par la loi 1901, elles sont ainsi exonérées de l’impôt foncier et renommées en “Jardins familiaux”. La fréquentation des jardins passe alors d’une classe ouvrière et défavorisée à une population plus jeune, familiale et aisée.[1]
Les mairies et politiques locales jouent un rôle important dans la mise en place de jardins partagés. Elles peuvent fournir des terrains, des aides financières pour l’achat de matériel et de l’aide en mettant en contact les habitants et les réseaux d’associations de jardiniers.
Par ailleurs, afin de garantir le bon fonctionnement et la bonne entente au sein des jardins, des chartes de bonne conduite sont mises en place dans ces espaces et signées par les adhérents, elles mettent notamment en avant les valeurs qui rassemblent les habitants autour du jardinage. [12]
– Difficultés
La difficulté principale rencontrée dans les jardins partagés réside dans l’investissement des jardiniers. Les entretiens qualitatifs menés lors de l’étude de Marion Tharrey et Nicole Darmon mentionnent ainsi le manque de temps et l’absence de connaissances en jardinage comme source de démotivation les plus fréquentes. La santé et la forme physique sont également un frein à la participation à la vie d’un jardin. [3]
La gestion des conflits dans ces espaces communautaires est une autre difficulté rencontrée dans les jardins. Cet aspect nous a d’ailleurs été confirmé lors de notre enquête terrain avec le directeur de l’association Vert le Jardin, responsable de centaines de jardins dans la métropole brestoise.
Une de nos hypothèses préalables est que la population participant dans les jardins était âgée et réfractaire à l’adoption d’une technologie avec laquelle, elle ne serait pas à l’aise. Or, selon l’étude de Marion Tharrey et Nicole Darmon, la moyenne d’âge à l’entrée dans les jardins étudiés était de 44 ans. Pour autant, les participants sont attachés à un rapprochement avec la nature, ce qui peut s’opposer avec la numérisation d’un tel espace.[3]
– Les solutions existantes
- La formation
Comme énoncé précédemment, l’une des difficultés rencontrées est le manque de compétences techniques en jardinage. Pour cela de nombreuses associations mettent en place des animations et formations dans les jardins. Cependant, tous les jardins n’en bénéficient pas et certains se voient donc freinés dans la mise en place du jardin.
La formation est également dans certains jardins proposés comme un service payant fournis à des particuliers ou à des structures comme des écoles. Ces services payants représentent une source de revenu non négligeable pour les associations qui peinent souvent à avoir un modèle économique durable. [13]
- La gestion de l’eau
La gestion de l’eau est un aspect inhérent aux espaces verts. La FNJFC estimait à 30m3 la consommation annuelle d’eau pour un jardin de 200m² en Ile de France [14]. De nombreuses techniques et solutions existent déjà pour optimiser son utilisation.
On pense d’abord à l’arrosage automatique. 14% des jardiniers français déclarent en avoir installé un [15], cette solution est donc déjà très présente dans les jardins. Elle permet notamment un gain de temps, l’arrosage ne nécessite plus d’action humaine et s’effectue même en l’absence de jardiniers. Elle est de plus modulable en offrant la possibilité de choisir l’heure, la fréquence et la durée d’arrosage sur différents canaux à des prix allant d’une vingtaine à une centaines d’euros. [16]
Une autre solution pour une meilleure gestion de l’eau est le récupérateur d’eau de pluie, utilisé par 53% des jardiniers en France. Il s’agit de systèmes de gouttières installés sur les toits et acheminant l’eau de pluie vers des citernes ou des réservoirs de stockage. Les installations les plus simples consistent à mettre un réservoir adapté aux contraintes de conservation sous une gouttière. L’installation d’une telle infrastructure peut être coûteuse, allant d’une centaine d’euros à plusieurs milliers d’euros. Il existe dans le cas des jardins partagés et jardins collectifs des subventions mises en place par les régions, elle s’élève à 50 % du coût TTC du récupérateur de 300 litres minimum et de ses accessoires éventuels (socle, robinet, kit de raccordement). Elle est plafonnée à 50€ par équipement. Par ailleurs, ces structures nécessitent parfois des permis de construire et/ou des déclarations en mairie et présentent diverses réglementations en termes de sécurité, contrôle du débit, qualité de l’eau [15][17][18].
Les espaces verts rencontrent des difficultés lors de période de forte chaleur. Leur utilisation de l’eau peut alors être réglementée et restreinte par les départements. Par exemple, en juillet 2022, le département de Haute-Garonne a mis en place une mesure qui consistait à interdire l’arrosage des jardins potagers entre 08h et 20h. Pour pallier ces chaleurs, le paillage, une méthode consistant à recouvrir la terre de paille est mis en place. Elle permet de nourrir et protéger le sol vis à vis de l’évaporation. La fréquence d’arrosage peut alors être réduite. [19]
- Installations de capteurs
Enfin, dans l’optique d’une gestion des plantes en temps réel, nous nous sommes penchés sur l’utilisation de différents capteurs dans les espaces verts et leurs disponibilités sur le marché afin d’anticiper les tâches à effectuer. Ainsi, des capteurs météorologiques tels que des capteurs de pluie, d’humidité, de niveau de l’eau, de température, de pression et d’altitude sont utilisés. [20][21][22]
– Conclusion
Notre réflexion a débuté avec deux thèmes principaux concernant les hypothèses de départ: la gestion des ressources, notamment de l’eau et la gestion des plantes en temps réel. Dans le but d’affiner ces hypothèses, nous avons par notre recherche pu identifier des premières difficultés rencontrées dans les jardins, appréhender les solutions existantes pouvant y être liées et déterminer la liste des acteurs de ces espaces, que nous avons par la suite pu rencontrer pour confirmer notre recherche documentaire et compléter certaines informations.
La problématique qui ressort de toutes ces recherches est donc “Comment faciliter l’organisation des jardins partagés qui ne possèdent pas d’animateur et fédérer les habitants lorsqu’il y a un manque de compétences techniques ?”.
– Bibliographie
[1] Frédéric Bally. Les jardins collectifs urbains aujourd’hui : continuité ou renouveau de pratiques historiques ?. Fenêtre sur jardins : un univers de partage, 2020. hal-03141843
[2] Louis.maurin, “La Part de la population vivant en Ville plafonne depuis dix ans,” Centre d’observation de la société, https://www.observationsociete.fr/territoires/lieu-de-vie_terri/la-part-de-la-population-vivant-en-ville-plafonne/ (accessed Oct. 20, 2023).
[3] M. Tharrey and N. Darmon, « Les jardins partagés peuvent-ils promouvoir des modes de vie plus durables?, » So What, 2021.
[4] “Jardins Collectifs : Une Histoire de partages,” Jardins de France, https://www.jardinsdefrance.org/jardins-collectifs-une-histoire-de-partages/ (accessed Oct. 20, 2023).
[5] “Le réseau national,” Partageons les jardins, http://partageonslesjardins.fr/reseau-national/ (accessed Oct. 20, 2023).
[6]: «Transitions 2050 – L’ADEME dévoile 4 scénarios pour atteindre la neutralité carbone».
https://52histoires2021.ademe.fr/dans-la-recherche-et-la-prospective/transition-s-2050-l-ademe-devoile-4-scenarios-pour-atteindre-la-neutralite-carbone
[7] “Historique de l’Association Orléanaise pour Jardins Ouvriers et Familiaux,” aojof jimdo, https://www.aojof.com/historique/ (accessed Oct. 18, 2023).
[8] Y.-M. ALLAIN, Le Jardin Suit-Il Des Modes ? 90 Cles Pour Comprendre Les Jardins;90 Cles Pour Comprendre Les Jardins. S.l.: QUAE, 2013.
[9] “Jardin communautaire,” Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Jardin_communautaire#cite_note-8 (accessed Oct. 18, 2023).
[10] L. Mestdagh, « Les jardins partagés franciliens : un espace d’entre-soi, » Géo-Regards – Modes de vie de proximité, no. 6, 2013.
[11] “Jardin partagé : Qu’est-ce que c’est ? – ooreka,” Ooreka.fr, https://amenagement-de-jardin.ooreka.fr/astuce/voir/324186/jardin-partage (accessed Oct. 18, 2023).
[12] Découvrez des exemples de chartes de Jardins partagés (no date) le passe jardins – Découvrez des exemples de chartes de jardins partagés. Available at: https://www.lepassejardins.fr/decouvrez-des-exemples-de-chartes (Accessed: 20 October 2023).
[13] « L’agriculture urbaine oscille entre innovation technologique et sociale », Techniques de l’Ingénieur. Consulté le: 10 octobre 2023. [En ligne]. Disponible sur: https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/lagriculture-urbaine-oscille-entre-innovation-technologique-et-sociale-88855/
[14] FNJFC. « L’utilisation de l’eau dans les jardins. » In Journées de l’OIEau, « La réutilisation des eaux pluviales : nouveautés et retour d’expériences, » 2007.
[15] C. Mucig, N. Le Nouveau. Utilisation de l’eau de pluie dans les jardins collectifs en France : enjeux, problématiques et premières analyses des pratiques. Novatech 2013 – 8ème Conférence internationale sur les techniques et stratégies durables pour la gestion des eaux urbaines par temps de pluie / 8th International Conference on planning and technologies for sustainable management of Water in the City, Jun 2013, Lyon, France. hal-03303504
[16] “Programme d’arrosage verve,” Castorama, https://www.castorama.fr/programme-d-arrosage-verve/5059340251271_CAFR.prd (accessed Oct. 19, 2023).
[17] “Prix installation & recuperation eau de pluie – énergies renouvelables,” EcoInfos, https://www.les-energies-renouvelables.eu/conseils/recuperation-eau-pluie/quel-prix-installation-recuperation-eau-de-pluie/ (accessed Oct. 19, 2023).
[18] C. LEMESLE, “Réduire la Consommation d’eau. Les Jardins Familiaux de Saint-Brieuc …,” Ouest France, https://www.ouest-france.fr/bretagne/saint-brieuc-22000/reduire-la-consommation-d-eau-les-jardins-familiaux-de-saint-brieuc-montrent-l-exemple-a18f9e1e-569f-11ed-aecb-a9a6711ea19d (accessed Oct. 19, 2023).
[19] C. BALISTROU, “Restrictions d’eau : Comment s’organisent Les Jardins Partagés de Toulouse ?,” L’Opinion Indépendante : Actualités et Infos à Toulouse, https://lopinion.com/articles/actualite/14536_restrictions-deau-organisation-jardins-partages-toulouse (accessed Oct. 19, 2023).
[20] S. Kernbach et al., “Guide for rain sensor FC-37 or YL-83 with Arduino,” Random Nerd Tutorials, https://randomnerdtutorials.com/guide-for-rain-sensor-fc-37-or-yl-83-with-arduino/ (accessed Oct. 20, 2023).
[21] “Dht11 sensor de Humedad y temperatura,” Geek Factory, https://www.geekfactory.mx/tienda/sensores/dht11-sensor-de-humedad-y-temperatura/ (accessed Oct. 20, 2023).
[22] LuisLlamas, “Medir temperatura y presión barométrica con arduino y BMP280,” Luis Llamas, https://www.luisllamas.es/medir-temperatura-y-presion-barometrica-con-arduino-y-bmp280/ (accessed Oct. 20, 2023).